Vers l'effusion de couleurs naturelles

Cependant, les paysages conçus par Marcel Béronneau n’adoptent pas toujours cette qualité de « peinture de l’âme » et peuvent se présenter simplement comme des images décoratives sans d’autre intention que de déployer de brillantes recherches chromatiques. Sans négliger pour autant un réel souci d’échapper à l’objectivité réaliste, puisque les couleurs employées sont en total décalage avec les couleurs naturelles, ces images se rapprochent beaucoup plus d’une tendance fauviste, mais retenue, telle qu’on la perçoit chez le peintre Henri Manguin[1] par exemple.

Cet artiste, ancien élève de Gustave Moreau, bien qu’il fut réticent à l’étiquette fauve, a quand-même contribué à diffuser les acquis du fauvisme. Ils les rendaient assimilables grâce à une thématique intimiste et un traitement mesuré de la couleur tout en gardant un rapport de proximité avec le réel. Plus tard, Marcel-Béronneau exploite à son tour cette conception de la peinture et réalise dans cette optique une série de paysages, tels que l’arbre rouge 103, le petit pont 100 mais aussi sur la Corse, probablement visitée entre 1920 et 1930.

Il consacra en outre, probablement dans cette même période, une exposition entière sur cette île, La Corse en hiver, organisée à la galerie Mona Lisa de Paris. Les œuvres présentées, dont certaines apparaissent aux salons des Indépendants, ne furent malheureusement pas retrouvées et seule la préface de l’exposition permet d’en imaginer l’allure générale. Ses peintures s’orientent principalement sur des paysages d’Ajaccio, de Piana, du Golfe de Porto, et sont parfois présentées sous des titres évocateurs d’une réflexion tels que Dans le silence ou Solitude Piana. Dans cette expérience de paysagiste, Marcel Béronneau aurait su, selon Emile d’Arnaville, fixer avec adresse, souplesse et virtuosité les jeux merveilleux de la lumière sur les cimes, ainsi que ses effets et ses reflets si nuancés dans une atmosphère irisée. Il aurait ainsi très bien saisi les contrastes de l’île parfumée, endormie sous la neige, vaporeuse à souhait, avec une qualité reconnue de coloriste et d’observateur des nuances, des tons et des valeurs.

L’artiste a réalisé sur ce thème de nombreuse variations, dans un dessin solide et dans une construction étudiée, selon des plans et une perspective équilibrée, l’ensemble étant harmonisé dans une gamme de couleurs enchanteresses. Une œuvre Paysage 113 représentée par une photographie conservée par Mme Marchant pourrait éventuellement correspondre à une des représentations de paysage corse. Le traitement pictural observé sur cette œuvre démontre la nature hétéroclite des inspirations, situées entre un goût marqué pour les couleurs imaginaires proches d’un Manguin ou d’un Marquet, et une traduction plus nostalgique, déjà évoquée dans Sapho 69. Une autre œuvre, connue cette fois Chapelle Saint-Alexandre 112 et conservée chez Mme Marchant confirme le sentiment de lien avec l’esprit symboliste.



[1] Henri Manguin, 1874-1949.

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